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PARTI COMMUNISTE, TURQUIE : Bulletins Internationaux

PARTI COMMUNISTE, TURQUIE : Bulletins Internationaux

Nous publions sur notre site internet une compilation des Bulletins Internationaux du Parti Communiste, Turquie afin de contribuer, à notre échelle, à la propagation des efforts d'analyses et d'informations réalisés par nos camarades communistes de Turquie, en lutte contre le régime capitaliste et la barbarie qui en découle.

 

BULLETINS INTERNATIONAUX DU PARTI COMMUNISTE, TURQUIE (n°s 6,7,8,9)

"La tentative de coup d'Etat en Turquie dont les conséquences sont en traîn de se produire encore ne concerne pas que la Turquie, mais elle a tiré l'attention de tous les partis communistes et ouvriers autour du monde. Certes, il faut traiter ce qui est vécu au propos des luttes de classe en Turquie; pourtant, cette tentative de coup mérite l'attention de toutes les luttes de classe du monde en général puisqu'elle représente les conflits cruels et les faiblesses au sein du système impérialiste.

C'est la raison pour laquelle le Bureau des relations internationales du Parti communiste, Turquie (KP) a préparé des questions et des réponses pour partager avec le mouvement communiste international son analyse concernant la tentative de coup d'Etat en Turquie et les processus qu'elle a entraînés.

Les questions sont comme suit:

1-Qui sont les conspirateurs du coup manqué ?

2-Quel était le but de la tentative de coup d’état ?

3-Le coup d’état, était-il possible qu’il échoue ?

4-Quelle est l’importance de la Confrérie de Gülen dans l’histoire de la Turquie ?

5-Est-il possible pour le capitalisme et la politique bourgeoise turcs de se normaliser?

6-Est-il possible que la Turquie tourne vers l’axe de Russie-Iran?

7-Est-ce qu'il y a une relation entre le Sommet de l'OTAN en Varsovie et la tentative de coup?

8-Est-ce que le AKP et Erdoğan vont réussir à réparer la dissolution apparue au sein de l'Etat avec les nettoyages executés?

9) Est-ce un dictatoriat islamique sous la direction d'Erdoğan qui attend la Turquie?

10) Dans ces circonstances est-ce que la Turquie propose des opportunités pour une politique prolétarienne?

A partir de maintenant, chaque bulletin international du Parti communiste, Turquie va contenir les réponses succéssives de deux questions parmi les dix présentées en haut. S'il arrive d'autres questions posées, on va les considérer pour répondre au futur.

Le Bureau des relations internationales prend en considération les perspectives au sein du mouvement communiste international et exige des contributions et questions qu'on va inclure dans les futures analyses. L'adresse de communication est comme suit: int@kp.org.tr

 

1) Qui sont les conspirateurs du coup manqué ?

Il vaudrait mieux répondre à cette question en deux temps : le processus qui a conduit à la tentative de coup d'une part, et la nuit même du 15 juillet d'autre part.

Il est évident que les acteurs de la nuit du 15 juillet sont issus de tous rangs, y compris des généraux, et de divers secteurs des Forces Armées Turques (TSK). Les militaires directement impliqués dans la tentative de coup ont pris en otage les commandants en chef ainsi que le chef d'état major; ils ont mené un raid à l’hôtel où résidait Erdogan, puis ont suivi son avion avec des avions de combat F-16, ont organisé des raids aériens intenses contre les bâtiments des Forces Spéciales de Police, ceux de la Direction Générale de la Sûreté, ainsi que ceux de l’Organisation Nationale du Renseignement à Ankara; ils ont bombardé les bâtiments de l’Assemblée Nationale, bloqué la circulation sur le pont du Bosphore à Istanbul, et via des avions de combat F-16 ont contrôlé l’espace aérien pendant plusieurs heures.
Il est clair que parmi les militaires qui ont agi nombre de soldats n'avaient d'autre choix que d'obéir aux ordres de leurs supérieurs. Mais de nombreux officiers haut gradés ont agi de leur plein gré. Nous savons que la majorité des officiers impliqués dans le coup cette nuit-là appartiennent au mouvement Gülen. Mais aussi des militaires et des bureaucrates n'appartenant pas à cette "Confrérie" ont partie liée d'une manière ou d'une autre à la tentative de coup, sans y avoir participé directement. Étudions maintenant le processus qui a conduit à la tentative de coup.
Il semble que de nombreux décideurs ou acteurs de la société turque, autres que les comploteurs, n'auraient pas été mécontents de la réussite du coup d'état. Nous devons rappeler que les capitalistes de Turquie ont soutenu l'essor de Gülen et son expansion au niveau international. Depuis les années 90, il est évident que les écoles de Gülen (qui forment des cadres pro-américains), la Confédération des hommes d'affaires et industriels de Turquie (TUSKON), divers établissements et associations liés à la Confrérie ont eu des relations avec presque tous les acteurs politiques de l’Establishment en Turquie à différentes périodes. La Confrérie est en premier lieu une organisation bourgeoise, en lien avec d'autres groupes capitalistes sous différentes formes au cours du temps. Après 2014, un réseau d'indices tend à faire penser que l’opposition de l’Establishment a placé son espoir dans la Confrérie, via différents moyens, y compris des alliances électorales, pour contrôler Erdogan et l’AKP.

Enfin, on doit mettre en évidence des acteurs internationaux partie prenante de cette tentative de coup d’état, loin d'être une fiction, et à certains égards professionnellement organisés. Au soir du 15 juillet, et jusqu'à ce que les résultats de la tentative de coup devinrent clairs, les messages qui venaient de l’Europe et des Etats-Unis montrèrent que les acteurs internationaux ne tendaient pas s'y opposer. Les données issues des agences internationales telles Reuters ou le think-thank Stratfor pendant la tentative montrent que les renseignements n’étaient pas seulement à la disposition des officiers liés à la Confrérie. De plus, même si elle n’est pas confirmée, l’information de l'utilisation de la base aérienne américaine d'Incirlik, est grandement éclairante. En considérant le fait que Fethullah Gülen continue à mener une vie politiquement active aux Etats-Unis et d' autres facteurs tels ses relations avec la CIA, renforcent l’allégation d’un soutien des Etats-Unis voire de son intervention directe.

Bien que tous ces constats sont basés sur de véritables informations et observations, il faut quand même soulever les incohérences et les absurdités de cette suite d'événements. La vérité définitive de la tentative de coup d’état est l'aspect pro-américain et le caractère anti-peuple des putschistes qui procèdent de la même idéologie et la même base de classe que l’AKP contre lequel ils ont tenté de faire un coup d’état.

 

2) Quel était le but de la tentative de coup d’état ?

Le but de la tentative n’était pas établir le pouvoir de la Confrérie, au contraire de ce que certains pensent. La cible principale de la tentative était Erdoğan et son entourage, autrement dit un AKP dirigé par Erdoğan.

Si cette liquidation avait eu lieu, la politique en Turquie serait sous la direction d’un AKP sans Erdogan soutenu par les autres partis de l’Establisment. Par conséquent, on peut poser la question comme «Pour quoi on a voulu liquider Erdogan ?» La réponse de cette question se trouve dans l’histoire politique contemporaine de la Turquie.

L’AKP a été crée par l’impérialisme américaine et la bourgeoise de la Turquie au début les années 2000 pour que l’intégration de la Turquie au système impérialiste et l’instauration d’un nouveau modèle d’accumulation. Il a était fondé sur une alliance entre des fractions réactionnaires religionistes qui sont réconciliés avec l’impérialisme et la bourgeoisie et la Confrérie qui est instrumentalisée par les Etats-Unis pour ses opérations politiques. Cette alliance, pendant son pouvoir de 15 ans, a considérablement détruit le régime laïc, privatisé presque tous les entreprises publiques et agressé la classe travailleuse. Par 2011, l’AKP s’est complètement emparé l’état en cassent toute opposition contre lui.

Par contre, l’alliance entre l’AKP et la Confrérie a commencé à chanceler après 2011 et elle s’est transformée en un conflit. Déjà, selon les documents du Wikileaks, Stratfor avait prévue une scission entre la Confrérie et l’AKP.

La transformation en Turquie avait entrainé des changements dans la bourgeoisie de la Turquie et le modèle d’accumulation de capital. La bourgeoise de la Turquie en accumulant un grand capital grâce aux privatisations avait commencé à exporter le capital à l’étranger et s’est aussi dirigé à politiquement protéger cet investissement. Les intérêts du capital nécessitaient de mener des relations basées sur intérêts avec la Russie et l’Iran sans éloigner de l’OTAN et l’UE.

Conformément à cette ligne, un accord de gaz naturel a été signe avec la Russie. De cette manière, le gaz naturel russe arriverait en Europe via la Turquie. D’autre part, la Turquie avait besoin de gaz iranien et russe. La Russie était un marché plein d’opportunités pour la bourgeoisie de la Turquie. En plus, la Russie menait une politique active pour éloigner la Turquie de ses alliances avec les Etats-Unis et l’UE et cette politique réussissait partiellement.


Cette politique de balance de la bourgeoisie, après un certain délai, a commencé à être représentée par Erdoğan. Encore la politique expansionniste de la bourgeoise a provoqué des manœuvres politiques indépendantes mais ratées qui ont dérangé les alliés de la Turquie qui ont fait partie du complot des Etats-Unis en Syrie.

Pourtant, il n'est pas possible pour les Etats-Unis, dans sa politique de tension militaire visant à l'encerclement de la Russie, de tolérer un allié aussi indécis et aussi instable.

Ça fait longtemps que la presse impérialiste a lancé une campagne anti-Erdoğan, qui s'était intensifiée avant le coup. Même si cette campagne se cache derrière des thèmes comme "la démocratie et la liberté de la presse", son intention est la création d'une Turquie stable et docile.

On sait très bien que ce n'est ni la "démocratie", ni la "laïcité", ni la "liberté" qui explique la fin du coup. Le coup n'avait pour but que la sauvegarde des intérêts de l'impérialisme des Etats Unis et de Union européenne et de se débarrasser d'Erdoğan.

 

3) Le coup d’état, était-il possible qu’il échoue ?

Les évènements qui ont eu lieu au soir du 15 juillet possédaient un caractère diffèrent que des autres interventions militaires dans l’histoire de la République. D’abord, la tentative ne s’est déroulée pas par la totalité des Forces Armées Turques (TSK) pour s’emparer de la politique. Cette tentative de coup peut être interpréter comme le suivant: L’une de deux fractions islamistes au sein de l’état qui se disputent mobilise son pouvoir dans le TSK étant donné les circonstances internationales et le combat intérieur.

Il est entendu que la tentative de coup d’état de la Confrérie s’est concentrée à purger Erdoğan et ainsi changer la balance du pouvoir. Le fait qu’Erdoğan et son entourage ont échappé, à un cheveu, de forces militaires mobilisée par les putschistes d’un hôtel à Marmaris et en vol et les renseignements à propos d’une demande d’asile d’Erdoğan en Allemagne au soir du 15 juillet montrent que les putschistes étaient très proche à atteindre leur objectif.

A part certaines erreurs techniques également soulignées par des agents de CIA qui se spécialisent en coups, le plus important risque pris par la Confrérie était de laisser le positionnement de la plupart des officiers de hauts grades de TSK pour la réalisation du coup. C’était un risque, mais les développements pourraient se dérouler comme espérés par les putschistes et les commandants en chef auraient pris des positions pour le coup. On peut constater que la Confrérie a agit en supposant que les réactions contre les politiques d’Erdoğan au sein de TSK échelle dépassait celle de la Confrérie. De même, des accrochages ont eu lieu entre l’armée et la police pendant des horaires et les déclarations de soutien des officiers ont commencé à arriver après un long délai. Si Erdoğan, l’objectif principal du putsch, a été captivé, il était probable que les mêmes officiers auraient pris des positions pour le putsch.

Les conversations exprimées entre les officiers putschistes et les militaires américaines, le positionnement «inintéressé» des pouvoirs impérialistes pendant la tentative de coup d’état jusqu'au moment décisif et les faits comme la diffusion de la route l’avion d’Erdoğan par Stratfor montrent que le pouvoir états-unienne, au moins certains groupes dedans, étaient conscient de cette tentative et la soutenait implicitement. Et l’existence de ce soutien faciliterait la réussite des putschistes si quelques ruptures en faveur d’Erdoğan n’avaient pas eu lieu.

Le fait que les fractions islamistes étaient entremêlées pendant la période dans laquelle elles ont partages le pouvoir, que les branches de la Confrérie pénètrent au plus proche d’Erdoğan, en plus l’indifférence des cadres qui semblaient d’adhérer à différentes fractions, en terme de leurs engagements avec le système pourraient rapidement serrer les rangs autour des putschistes qui avaient l’avantage militaire au soir du 15 juillet.

 

4. Quelle est l’importance de la Confrérie de Gülen dans l’histoire de la Turquie ?

Fethullah Gülen a fonde sa propre confrérie en réinterprétant la doctrine du leader islamiste Saïd Nursî qui opposait la laïcité pendant les années de la fondation de la République de la Turquie. Pendant les années 1960, il a travaillé comme dirigeant dans les «Associations de lutte contre le communisme». Il a crée une organisation de fait, hiérarchique dans les «Maisons de lumière» qui rassemblaient ses disciples dans les villes.

Le mouvement güleniste s’est organisé dans les établissements d’enseignement privés, s’est concentrée sur les cadres éduqués et développé de forts liens à la fois avec la bureaucratie et avec le capital dans les années 1980 quand la gauche a été écrasée. Gülen s’est installé en Pennsylvanie en 1999, il a été protégé tant qu’un mouvement de la société civile face aux autres groupes islamistes par les politiciens de la droite centriste et des sociales démocrates de l’époque. Sous le règne de l’AKP, en coordination avec le gouvernement, plusieurs fondations, écoles privées et centres médicaux liés à la Confrérie ont été fondés. La Confrérie a transféré des organisations similaires aux plusieurs pays sous-développés et elle a travaillé comme agent des politiques états-uniennes en adoptant un discours de compromis. Pendant cette période-là, la Confrérie a atteint une identité intellectuelle aux Etats-Unis, parmi des intellectuelles libérales en Turquie plusieurs sont entrés en contacte avec le mouvement. Pendant les années 2007-2008, une période importante pendant laquelle le pouvoir de l’AKP a gagne un caractère plus autoritaire, les kémalistes dans les medias et la bureaucratie ont été purgés par des procureurs membres de la Confrérie par l’accusation de putschisme. En plus, plusieurs intellectuelles de gauche ont été jugées au tribunal par l’accusation d’être membres de groupes terroristes. Cependant, le procès de Fethullah Gülen, qui a été accusé de terrorisme islamiste, a été conclu par acquittement en 2008.

Néanmoins, pendant les années 2010, des problèmes se sont produits entre la Confrérie et l’AKP. Le fait que les Frères Musulmans, qui est une organisation similaire que l’AKP, n’ont pas réussi à satisfaire les demandes de l’impérialisme et l’échec de l’AKP qui soutenait des Frères Musulmans dans la politique de la Syrie constituaient des bases internationales de ces problèmes. En 2013, le pouvoir de l’AKP est tremblé par la Résistance de Juin pendant laquelle le peuple en masse, qui défend la laïcité et la liberté, est descendu dans la rue contre l’AKP. Le fait que la Confrérie avait renforcé son influence pendant les purges des kémalistes de la bureaucratie par l’AKP a crée des disputes entre ces deux pouvoirs. L’AKP a voulu fermer les établissements d’enseignement privés dans lesquels la Confrérie est influent, après la monté de cette tension, en décembre 2013 certains procureurs liés à la Confrérie ont initié une opération judiciaire de corruption contre certains politiciens, ministres et hommes d’affaires liés à l’AKP. Parmi les suspects y avait le fils de Tayyip Erdoğan et Reza Zarrab qui est en train d’être jugé aux Etats-Unis. Apres l’empêchement de cette opération par l’AKP en purgeant les cadres liés à la Confrérie dans le système judiciaire, un acte d’accusation intitulé «Organisation Terroriste Güleniste» a commencé à être préparé et il a été complété à la veille de cette tentative de coup d’état. L’infiltration de la Confrérie dans la bureaucratie depuis des années lui avait permis de s’emparer plusieurs grades de la bureaucratie militaire. D’ailleurs dans la bureaucratie ils se trouvent pleins d’autres confréries qui sont soit en coordination soit contre le mouvement güleniste.

 

5) Est-il possible pour le capitalisme et la politique bourgeoise turcs de se normaliser?

En fait, il n’existe pas de «capitalisme normal» pour la politique prolétarienne. Mais ici, le terme de normalisation se réfère à un régime plus ou moins décisif pour faire face aux crises dans l’ordre d’exploitation.

Après le coup, une normalisation dans ce sens ne se voit pas possible en Turquie. Ce ne sont pas les rêves dictatoriaux de l’AKP, mais plutôt la position élusive de la bourgeoisie en Turquie à l’égard des puissances impérialistes, ce qui explique cette réponse.

Les centres impérialistes, qui sont demeurés en silence pour une certaine durée pendant le coup, se sont mis à déclarer leur soutien au «gouvernement élu» d’une façon involontaire quand l’échec de la tentative est devenu clair. Pourtant, ça n’a pas empêché les organisations médiatiques qui dépendent de ces centres d’exposer leurs vraies fins.

Arrivée à ce point aujourd’hui, il semble que les Etats-Unis et l’OTAN ne vont pas laisser libre Erdoğan et, à l’exception d’un cas de compromis très particulier, ils vont essayer de l’éliminer dans la première occasion possible. En ce moment, c’est sous cette peur que l’AKP sous la direction d’Erdoğan continue à sa vie.

Ils ont peur des assassinats, d’un nouveau coup, de débouler vers l’instabilité et d’une intervention étrangère même. Juste après le coup, il est déclaré que la sécurité des armes nucléaires qui se trouvent dans la base aérienne d’İncirlik était en danger. Aujourd’hui, la presse pro-AKP manifeste leur crainte que l’on provoque un conflit Alévis-Sunnites ou que l’on intensifie la lutte contre le mouvement séparatiste kurde.

De l’autre côté, Erdoğan et son entourage font face au danger d’un tribunal international pour leurs affaires de corruption.

En plus, on parle du risque d’une crise économique pour la Turquie. Les institutions internationales de notation financière, comme les instruments financiers de l’impérialisme, ont rapidement pris des décisions négatives pour la Turquie. Néanmoins, comme l’économie de la Turquie est strictement intégrée dans le système impérialiste, il n’est pas probable qu’on incite une économie à une telle échelle vers un renversement total puisqu’il entraînera un effondrement général. Cependant, il faut garder en esprit la possibilité d’une crise avec un fort aspect économique et qu’ils n’arrivent pas du tout à tout contrôler.

En conclusion, ça va nécessiter une certaine durée pour la Turquie pour arriver à une normalisation avec la «stabilité» politique. L’intention est de la construire sur une base d’un large consensus général au sein de la politique bourgeoise. Mais, la position de la classe capitaliste en Turquie se présente en tant qu’une dynamique de crise en soi dans le contexte de la crise du système impérialiste qui s’aggrave de plus en plus.

 

6) Est-il possible que la Turquie tourne vers l’axe de Russie-Iran?

La classe capitaliste de la Turquie montre une certaine tendance à améliorer les relations avec la Russie et l’Iran par rapport à ses intérêts et à faire des accords stratégiques de long terme. Et une fois prise en considération le caractère de classe de l’Etat de Russie, une telle tendance aujourd’hui ne veut pas dire un détournement qui comprend des aspects idéologiques, au contraire de la période soviétique où il fallait une révolution pour mettre en œuvre un tel changement. Ce qui fait agir les monopoles turcs, ce n’est que la passion pour leurs propres intérêts.

En outre, la politique bourgeoise doit être conscient que la Turquie se poussera vers une catastrophe en tant que « le pays de la tranchée en avance » au cas de déclenchement d’une guerre avec la Russie et ses alliées à cause des préparatifs militaires et des provocations actuelles des Etats-Unis.

Mais malgré tout, il est très difficile pour la Turquie de se détacher de l’axe de l’impérialisme états-unien et européenne.

Pour le moment, les pays européens constituent le plus grand marché pour la Turquie. Le système financier en Turquie est en majorité engagé aux monopoles financiers de l’impérialisme occidental. En plus, les monopoles intégrés dans l’impérialisme occidental ont fait de grands investissements en Turquie, surtout dans le secteur d’automobile.

Ça fait presque 70 ans que l’armée de Turquie fonctionne au sein de l’OTAN et on se trompera si on considère la Confrérie de Gülen comme le seul élément pro-OTAN dans l’armée.

Dans ces circonstances, l’AKP – avec ou sans Erdoğan – et les autres politiques bourgeoises vont tous chercher un consensus qui comprendra le maintien de l’adhérence à l’OTAN et la continuité des correspondances pour l’adhésion à l’Union européenne, mais ce consensus comprendra en même temps une certaine autonomie dans les relations internationales.

Pourtant, il semble peu probable de trouver une telle base de consensus étant donné la tension entre les blocs qui s’aggrave de plus en plus avec la militarisation. Même si Erdoğan a reçu quelques soutiens politico-économiques de la Russie, il n’est pas possible en court et moyen terme pour la classe capitaliste et la politique bourgeoise en Turquie d’oser faire un changement d’axe.

 

7- Y a-t-il un lien entre le sommet de l'OTAN qui s'est tenu à Varsovie les 8 et 9 juillet 2016 et la tentative de Coup d’Etat en Turquie une semaine après?

Le sommet de l'OTAN fut indirectement lié à la tentative de coup. La constitution d'une force navale en Méditerranée, l'installation de bases anti-missiles en Roumanie, et la mise sous tutelle par l'OTAN de pays non membres comme la Finlande et l'Ukraine sont les provocations adoptées lors du sommet en vue d'un encerclement militaire de la Russie.

Dans ce contexte, l'OTAN attendait de la Turquie qu'elle puisse agir de façon résolue et sans ambiguïté à l'encontre de la Russie. Il serait erroné d'envisager la tentative de putsch indépendamment de cet objectif.

Mais cela ne s'est pas réalisé ainsi. Les 2/3 de l'encadrement de la deuxième plus grande armée de l'OTAN n'ont pas suivi la manœuvre.

Au moment où tout le monde pointe du doigt l'implication des USA dans la tentative de putsch, la revendication par le Parti Communiste,Turquie de la sortie de notre pays hors de l'OTAN procure un avantage clair au nom de la classe ouvrière.

 

8- L'AKP et Erdoğan peuvent-ils remettre à neuf un état partiellement détruit?

La thèse d'un renforcement progressif de la structure étatique et l'institutionnalisation de la dictature sous la direction de l'AKP était très courante. Alors que c'est la dictature et son processus d'islamisation de la société qui étaient les signes révélateurs de la crise. Il était cependant évident que le régime laïc bourgeois républicain avait été dissous. Mais après les élections de 2011, les efforts de l'AKP pour mettre en place un régime islamo-fasciste ne trouvaient pas un environnement favorable. C'est donc dans un contexte de crise qu'apparut le soulèvement de masse de 2013. Ensuite, en dépit de ses victoires électorales, le gouvernement AKP se radicalisa au fur et à mesure qu'il perdait son pouvoir de persuasion.

Nous devons ajouter à ce tableau d'ensemble la vulnérabilité de l'économie et la désintégration idéologique, mais l'aspect le plus remarquable est la crise de direction. Depuis longtemps déjà le manque de cohérence politique de l'AKP apparaît. L'incapacité d'un pouvoir à suivre une ligne résolue est caractéristique d'une crise politique. Non seulement le pouvoir échoue à trouver des solutions, mais l'appareil d'état tombe en morceaux. Cette déliquescence a clairement surgi avec toutes ses dimensions dramatiques lors de la tentative de coup le 15 juillet dernier.

Le fait que la tentative de putsch fut vaincue n'implique pas nécessairement une future consolidation du pouvoir de l'AKP.

Cette affirmation repose sur des bases solides:

Premièrement, la crise est plus profonde qu'on pense et la solution ne réside pas dans la confrontation sanglante entre deux factions islamistes, celle menée par Erdoğan et celle menée par Gülen et qui, toutes deux, partagent presque la même posture idéologique et politique. Le manque de cohérence politique est la conséquence de dynamiques sociales complexes et plus particulièrement de la rupture d'avec les racines historiques, culturelles et idéologiques de cette dynamique. Un terrain de lutte qui exclut la classe ouvrière, les secteurs modernes et laïques, les Alévis et les femmes et qui maintient obscures les raisons réelles de cette crise "incompréhensible". La Turquie se dirige vers une confrontation beaucoup plus étendue que celle à laquelle nous venons d'assister entre les deux factions islamistes.

Deuxièmement, le 15 juillet, le capitalisme turc a subi une rupture sans précédent et la crise d'avant le putsch s'est intensifiée. L'annihilation de la deuxième plus grande force militaire de l'OTAN et les liens - même s'ils sont temporaires - des groupes djihadistes avec la police dans une société où l'esprit laïc est malgré tout encore vivace chez certains groupes, et enfin la disparition de la bureaucratie exacerbent les problèmes qui ne pourront être résolus qu'à long terme.

Troisièmement, le système capitaliste turc n'a pas les ressources économiques suffisantes pour surmonter la crise. Il demeure dans une situation très fragile.

Quatrièmement, après cette destruction, la restauration de l'autorité politique et de sa capacité à agir est très difficile. Et encore plus difficile est son approbation générale.

Et enfin, le relâchement des liens de confiance entre les centres impérialistes occidentaux et Ankara a atteint un le niveau maximum. Si le putsch avait réussi, le soutien occidental aurait été total.

D'autre part, s'éloigner du bloc occidental sous prétexte d'une volonté de consolidation politique est structurellement et historiquement impossible.

Donc le clan AKP-Erdoğan n'est pas capable de résoudre le problème. Tant que le gouvernement continue à utiliser ses instruments réactionnaires, la crise s'approfondira encore plus. Mais les arrêter et rechercher un consensus social sera pris comme un aveu de faiblesse. Donc cela invitera à de nouvelles confrontations. A cette condition, tant la menace d'un putsch que le renforcement des partis bourgeois est possible.

 

9. L’avenir de la Turquie, est-il une dictature islamiste sous le règne d’Erdogan ?

Que la Turquie tende vers une dictature ouvertement islamiste et fasciste sous le leadership d’Erdogan, qui a repris l’initiative politique après la tentative de coup d’état, amène une série de conflits.

Une semaine après la tentative de coup, les développements sous le titre «consensus national » deviennent remarquables. Pour le système capitaliste, la priorité donnée à la centralisation semble être la seule solution raisonnable et réaliste pour éviter polarisation et conflits. Toutefois, il est fortement probable que le renforcement du centre se transforme en pente glissante pour l’AKP du fait de la corruption et de la politique en Syrie et de la corruption. Le pouvoir politique va, d’un coté, s'efforcer de ne pas se détacher de l’assemblée au centre, d’un autre coté il va prendre des mesures pour éviter sa dissolution.

La Turquie semble être le témoin de manœuvres de recherche d'équilibres.

On observe que le principal parti d’opposition au parlement, le parti social-démocrate CHP, s’est engagé dans la normalisation de l’AKP. Il ne sera pas surprenant d'observer que le parti nationaliste MHP qui a fonctionné comme pouvoir auxiliaire de l'AKP, se concentrera sur la normalisation plutôt que de soutenir sa radicalisation si l'on considère les liens puissants du MHP avec les centres impérialistes et la classe capitaliste. Quant à l’opposition kurde HDP, elle semble encline aux politiques conciliatrices, même si elle ne fait pas partie du «consensus national ».

Dans l’avenir proche de la Turquie, des mesures coercitives pour discipliner l'AKP sont plus probables qu’une dictature islamo-fasciste dirigée par Erdogan, Cependant on ne peut considérer cela comme une option de démocratisation envisageable pour les forces de gauche et la classe ouvrière. Nous parlons bien ici "d'éviter l'extrémisme" et de "rendre le système de nouveau gérable", et non de rééquilibrer la balance qui a penché à droite durant l'ère AKP. Par conséquent, le Parti Communiste, Turquie, va indiquer qu’une normalisation qui vise à réformer ou à isoler Erdogan n’est pas un processus progressiste et va mettre l'accent sur le caractère de classe de la lutte contre la monté fasciste et islamiste.

 

10. La Turquie, ouvre-t-elle la porte à la politique de classe dans la situation actuelle ?

Les jours qui ont suivis la tentative de putsch de telles vues incorrectes et inacceptables ont circulées... si bien que par ses analyses, ses informations, ses commentaires publiées aussitôt après, le Parti Communiste a pu capter l'attention de la classe ouvrière. Le Parti Communiste s'efforce de prendre cet intérêt pour le parti comme une occasion d'organiser les masses. Au lieu de reculer, le Parti Communiste s'investit dans l'organisation de la classe ouvrière afin de construire un mouvement.

D'autre part, une guerre civile a eu lieu dans le pays, et les habitants d'Ankara particulièrement ont ressenti l'âpreté de la guerre. Pour se prémunir d'autres coups d'état, Erdogan a appelé les forces réactionnaires liées à l'Islam politique à sortir dans la rue, et les places des villes ont été occupées par tous les religieux fondamentalistes. A la suite de cela, la gauche pro-capitaliste est descendue elle aussi dans la rue avec un discours sur "la démocratie"... comme si la tentative de putsch n'avait pas été soutenue par les USA.

Tout cela était traumatisant et démoralisant pour la classe prolétaire.

Malgré toutes ces mauvaises conditions, le Parti Communistes entrevoit des possibilités révolutionnaires dans cette période sombre et cherche une issue de classe.

Imaginez un coup d’état téléguidé par les Etats-Unis et mis en échec, mais presque tous les acteurs politiques sont pro-américains. Le coup fut tenté par un groupe islamiste, mais la bourgeoisie ne peut pas gouverner sans l'islam politique. Erdogan critique durement le mouvement Gülen et l'accuse de trahison. Et pourtant, ensemble, ils ont mené toutes les activités politiques jusqu'en 2012. Et sans le mouvement Gülen, il aurait été très difficile pour l'AKP d'accéder au contrôle de l'état.

Il est vraiment difficile à un système politique de surmonter tant de contradictions. L'état qui est garant de l'ordre ne s'est jamais craquelé autant et n'a jamais été si faible. De plus, la Turquie se dirige vers des crises de plus en plus intenses.

Le Parti Communiste pense que les crises du capitalisme qui deviennent de plus en plus sidérantes en Turquie et dans le monde entier offrent des possibilités révolutionnaires à la politique de classe prolétarienne.

Bien que tout le monde dise que nous avons été confronté à un coup d'état soutenu par les USA, seul le Parti Communiste lutte pour quitter l'OTAN, ce qui est un avantage appréciable en cette période."

 

site web international du Parti Communiste, Turquie en anglais, français, allemand, russe, espagnol : https://www.kp.org.tr/en

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